Raoul Dufy n'est pas un peintre fauve !




Dès 1920, les caractéristiques essentielles du style de Raoul Dufy sont en place dans ses œuvres, qu'elles soient picturales ou décoratives.



La mise en place des composantes de son style



En premier lieu avec le tracé du dessin qui charpente toutes ses compositions.
Il s'agit de tous ces éléments dessinés que l'on va retrouver peu ou prou dans toutes ses œuvres ultérieures et qui composent ce que l'on a appelé sa "sténographie" :
- ces éléments de décor symboliques du lieu représenté : vases, épis de blé, bateaux, parasols, ...



Canotage sur la Marne - 1923

Collection particulière


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L'avenue du Bois de Boulogne 1928

Collection particulière



- les trois petits pendentifs qui décrivent la feuille d'un arbre, multipliés à l'infini pour rendre à la fois la légèreté et le frémissement d'une frondaison,

- ces personnages, à peine suggérés en silhouettes, mais tellement vivants par la puissance d'évocation et la justesse de leurs poses,

- cette juxtaposition de triangles pour évoquer le moutonnement de la mer,

- les courbes, potelées et voluptueuses, qui dessinent aussi bien un coquillage, la coque d'une barque, une baigneuse, une voile sur la mer, la fumée d'un steamer ou l'aile d'un oiseau.

Quelques traits très simples, très souples et d'une expressivité fascinante !

A la manière des sculpteurs de l'époque romane, Raoul Dufy n'a que faire du réalisme et de la perspective : c'est la juxtaposition des "signes" qui donne son sens au tableau. Ils composent une "forêt de symboles" dont les éléments vont rapidement nous devenir familier et que notre œil retrouvera avec plaisir d'œuvre en œuvre.



Baigneuses en pleine mer - 1925

MNAM Centre Georges Pompidou




Son œuvre reste dominée par le signe.
Il ne cherche pas à reproduire la réalité d'un être ou d'un objet, mais son équivalence. Pas davantage, il ne s'applique à faire une synthèse d'éléments divers ou essentiels.
Le signe de Dufy a une unité, une valeur en soi ; c'est une sorte d'hiéroglyphe vivant.
De la rencontre de quelques traits ou de touches légères, il fait surgir l'idée d'un arbre ou d'un oiseau.

Jacques LASSAIGNE





Cérès au bord de la mer - 1928

Collection particulière



Est-ce cette familiarité que l'on ressent immédiatement face à chacune de ses œuvres qui a fait taxer le travail de Raoul Dufy de "facilité" ?
N'aurait-il pas mieux valu parler de "langage" que l'on retrouve d'œuvre en œuvre et que l'on comprend instinctivement, parce qu'il crée une continuité, une cohérence, et entretient finalement avec le spectateur une délectable complicité ?